Le Devoir
IDÉES, jeudi, 8 janvier 2009, p. a7
La crise financière et la simplicité volontaire
Louis Chauvin; Pascal Grenier
La crise financière est à nos portes. Nos gouvernements s'y préparent, à Québec comme à Ottawa. On s'évertue à trouver toutes sortes de raisons pour expliquer cette crise, et elle est, en effet, très complexe. Cependant, les faits récents nous révèlent que c'est en grande partie la surconsommation, voire l'hyperconsommation, associée à l'endettement excessif, qui a créé cette situation critique mondiale.
Diminution de la consommation
Selon les simplicitaires, l'occasion est favorable pour effectuer des changements sociaux et économiques profonds, plutôt que cosmétiques. En effet, le Réseau québécois pour la simplicité volontaire (RQSV) et le Groupe de simplicité volontaire de Québec (GSVQ) croient que l'approche de la réduction de la consommation, qu'ils proposent depuis des années, est valide plus que jamais et ce, même en temps de crise. Lorsque les adeptes de la simplicité volontaire avançaient l'idée de la réduction de la consommation, plusieurs argumentaient que cela allait nuire à l'économie. Ne faut-il pas consommer pour faire rouler l'économie, dit l'adage populaire?
Or, aujourd'hui on constate que consommer à l'excès, comme l'on fait les États-Uniens depuis plusieurs années, a mené au bord de la faillite économique des millions de personnes et a fragilisé le pays tout entier, et même plus. Par opposition, une vie de simplicitaire avec une consommation raisonnable, satisfaisant les besoins essentiels et un peu plus, est la meilleure assurance d'un équilibre financier à long terme pour les individus et les pays.
Plusieurs ont peur de la simplicité volontaire, craignant les privations extrêmes et la pauvreté. Or, pourquoi ne pas profiter de la situation actuelle pour démontrer, comme le révèle la majorité des études, que les gens qui simplifient leur vie matérielle volontairement, tout en s'occupant plus de l'immatériel comme le développement personnel, les relations interpersonnelles et la spiritualité ne s'en portent que mieux physiquement et psychologiquement?
Dégénérescence environnementale
Par le passé, l'économie misait sur l'illusion d'un monde aux ressources illimitées et d'une capacité d'absorber tous les déchets que pouvait produire l'humanité. Nous avons donc développé un système basé sur la croissance continue et l'obsolescence planifiée, le tout supporté et encouragé par l'industrie de la publicité et du marketing qui s'acharne, par tous les moyens possibles, à nous convaincre que nous serons plus heureux en consommant toujours davantage.
Or cette idéologie de surconsommation est la base de la dégénérescence environnementale. Ceci, ni le milieu des affaires, ni les gouvernements, ni les groupes environnementaux ne l'ont reconnu explicitement. Puisque la planète nous montre de plus en plus que les limites de son exploitation et de sa pollution sont atteintes, une réduction de l'exploitation des ressources et de l'énergie ainsi qu'une diminution du transport et de la consommation en général, conséquences de la présente crise, sont de bonnes nouvelles sur le plan écologique.
Traditionnellement, les gouvernements tentent de stimuler la consommation en période de récession. Si on fait de même cette fois, ne va-t-on pas nourrir la cause de cette crise? N'est-il pas de plus en plus clair aussi que l'option «consommation en croissance constante» mène à un cul-de-sac écologique en plus d'économique? Ne serait-il pas temps que les trois ordres de gouvernement s'orientent de façon énergique vers des actions qui privilégient ouvertement la protection de l'environnement plutôt que celles qui favorisent le monde économique? Attendrons-nous que la situation devienne irréversible avant d'agir?
Croissance modulée et emplois
Tel qu'exprimé dans les paragraphes qui précèdent, les simplicitaires proposent d'accepter, voire d'accueillir, une certaine réduction de la consommation. Afin de minimiser les effets négatifs qui pourraient survenir, cette décroissance pourrait être modulée par une augmentation du commerce non-matériel ou moins matériel, qui a peu d'effets délétères sur l'environnement. Ce type de commerce comprend celui des services, de la culture, du savoir, de la relation d'aide, de la croissance personnelle, etc.
De plus, les gouvernements pourraient favoriser la mise en place d'activités économiques dans les domaines du réemploi, du recyclage, de la transformation des matériaux récupérés et du compostage. Il serait possible aussi que nos dirigeants exigent des fabricants que les produits de consommation soient plus durables et réparables. Les réparations diverses procureraient du travail à de nombreuses personnes. D'autres emplois pourraient aussi être créés pour la désintoxication de la planète plutôt que de tenter de récupérer des emplois dans le secteur de l'automobile, un des secteurs les plus nocifs pour la santé des écosystèmes et des humains.
La vie simple au quotidien
Les simplicitaires peuvent offrir des modèles autres que celui de la surconsommation qui règne sur nos sociétés et aussi aider beaucoup de gens en période de récession, car ceux-ci font depuis longtemps l'expérience de la vie simple au quotidien. Voici quelques exemples :
- Vivre selon ses besoins plutôt que selon ses moyens;
- Avoir un logement et une auto (si nécessaire) dimensionnés selon ses vrais besoins;
- Augmenter la longévité des objets en les réparant;
- Apprêter ses aliments soi-même et réduire sa consommation de viande;
- Troquer, louer, emprunter ou acheter usagé;
- Se rapprocher de son lieu de travail pour réduire les déplacements;
- Adopter des modes de transport écologiques;
- Favoriser la mise en commun: cuisines collectives, garderies, bibliothèques, piscines et joujouthèques publiques, etc.
- Etc. (mille et une autre solutions).
Ce qui est peut-être le plus important, c'est de faire tout cela non pas dans un esprit de sacrifice ou avec un sentiment de manque, mais dans la reconnaissance qu'une fois les anciennes habitudes brisées, les nouveaux comportements apportent, le plus souvent, une grande libération, la fierté et un mieux-être profond. En effet il y a beaucoup de satisfaction, voire de bonheur, à être cohérent entre ses valeurs et ses actions.
Le partage de la richesse
Pour aider, dans le cadre de la présente crise économique, les simplicitaires, en plus de proposer la réduction de la consommation, font la promotion d'un meilleur partage de la richesse. En effet, une diminution des écarts entre riches et pauvres réduit la criminalité, la délinquance, la jalousie et l'envie. Plus important encore, les fréquents comportements ostentatoires des gens riches créent une spirale ascendante de consommation qui entraîne des gens de classes sociales inférieures qui aspirent à «monter», ce qui donne des résultats catastrophiques pour l'environnement.
Il apparaît donc qu'une migration de mentalités et d'attitudes vers la simplicité volontaire, tant dans nos vies privées, dans nos processus commerciaux que dans l'administration gouvernementale, pourrait être d'un secours précieux dans le cadre de la présente crise économique. De surcroît, elle pourrait de plus nous aider à traverser la crise écologique, beaucoup plus sérieuse, qui pourrait très bien suivre les présentes difficultés financières.
Louis Chauvin : Président du Réseau québécois pour la simplicité volontaire
Pascal Grenier : Président du Groupe de simplicité volontaire de Québec